Pianos sur scène

Chopin et les pianos Pleyel, hier et aujourd’hui

 Peu après son arrivée à Paris en 1831, Chopin adopte les pianos du facteur Pleyel.

Pendant la première moitié de sa vie en Pologne, et lors de ses voyages en Allemagne ou en Autriche, Chopin jouait sur toutes sortes de pianos, principalement d’origine viennoise ou proches de l’esthétique de ceux-ci.

À partir de son arrivée en France à la fin de l’été 1831 et jusqu’à sa mort le 17 octobre 1849, Frédéric Chopin devint fidèle aux pianos d’un unique facteur : Pleyel. Il entretient des relations d’amitié tout d’abord avec Ignaz Pleyel, fondateur de la manufacture, puis avec son fils Camille.

En tant qu’interprète, Chopin soulignait combien la délicatesse du mécanisme des instruments de Pleyel, la sensibilité du toucher et les possibilités infinies de créer “son propre son” étaient précieuses pour lui permettre d’exprimer toute la palette des émotions contenues dans sa musique.

Comme compositeur, ces mêmes qualités étaient une source de développement de sa propre façon d’écrire pour le piano, et notamment dans les aspects essentiels et nouveaux auxquels il consacrait une part importante de ses recherches : rendre la couleur en musique, élaborer de nouvelles combinaisons sonores grâce à un emploi très poussé de la pédale, faire “chanter” le piano pour le rapprocher du “Bel canto” italien dont il était un fervent admirateur.

Piano pleyel de 1839
Piano Pleyel de 1839, identique à ceux que Chopin utilisait pour composer à Nohant chez George Sand (Coll. O. Fadini)

Liens entre les œuvres de Chopin et les pianos de Pleyel.

Partition de Chopin
Manuscrit du Nocturne op. 62 n° 1 en si majeur.  

Pour bien comprendre l’importance des liens entre les œuvres de Chopin composées à partir de 1831 et les instruments de Pleyel qui ont permis leur élaboration, il faut consulter les manuscrits du compositeur.
Contrairement à Liszt ou Schumann, pour ne citer que les compositeurs de la même génération, Chopin note dans ses partitions une multitude d’informations destinées à éclairer le futur interprète sur ses intentions : usage de la pédale, dynamiques différentes aux deux mains, accents, points, liaisons… Ces indications correspondent à une réalité sonore qu’il a élaborée patiemment et méthodiquement sur les pianos de Pleyel.

Pour Chopin, avoir sous les doigts un instrument de Pleyel était le préalable indispensable à toute composition. Sans Pleyel, il restait muet. Durant l’hiver 1838-1839 à Majorque, Chopin patienta de longs mois sans écrire la moindre note car le piano dont il disposait était  médiocre. Lorsque l’instrument envoyé par Pleyel arrivera enfin, il ne lui fallut que quelques jours pour terminer ses Préludes op. 28.

À son arrivée à Nohant le 1er juin 1839, Chopin découvrira que George Sand, consciente qu’il avait besoin d’un bon piano pour composer, avait fait livrer depuis Paris et installer dans sa chambre un piano à queue de Pleyel. Ce sera le premier des huit instruments que Chopin utilisera à Nohant entre 1839 et 1846 pour composer tous les chefs-d’œuvre de la maturité. Quand Chopin et George Sand rentraient à Paris pour passer l’hiver, le piano repartait pour Paris lui aussi ou était vendu. Un nouvel instrument arrivait l’été suivant, bénéficiant des derniers perfectionnements apportés par Pleyel. Ainsi, la facture de Pleyel et l’écriture pianistique de Chopin, évoluaient en parallèle, tout en s’influençant mutuellement.

Les Pleyel d’aujourd’hui et la musique de Chopin.

La mort de Chopin en 1849 coïncida presque exactement avec la naissance du piano “moderne”. Dotés d’un cadre en fonte pleine, ces pianos furent d’abord produits par de nouveaux facteurs nés à ce moment précis, comme Steinway et Bechstein. Par la force des choses, et afin de répondre à l’engouement du public pour le récital de piano qui exigeait des salles de concert de plus en plus grandes, Pleyel évolua lui aussi, renonçant à regret au piano de l’époque romantique pour adopter le piano moderne, celui sur lequel on pouvait jouer aussi le nouveau répertoire apparu dans la
foulée. Toutefois, la manufacture Pleyel sut conserver certaines des caractéristiques de ses pianos de l’époque de Chopin : une clarté et une finesse de son, alliées à une sonorité lumineuse et un toucher sensible. Ces qualités constituant en quelque sorte l’ADN du facteur français.

Au tournant du XXe siècle, Pleyel et ses pianos modernes à cadre en fonte pleine rencontrèrent un succès mondial et permirent à la manufacture de se développer au nord de Paris, au point de créer un véritable quartier qui conserve toujours le nom de Pleyel aujourd’hui. À Paris, les salons de Pleyel qui avaient vu les débuts parisiens de Chopin avaient fait place à la Salle Pleyel où les plus grands artistes classiques se sont produits jusqu’au début des années 2010.

Aujourd’hui, après une période d’arrêt de la production et une première tentative de ranimer la flamme par quelques passionnés de ce facteur au passé si riche, un nouveau départ a été pris par les Pianos Pleyel sous l’aile protectrice de la société Algam basée à Nantes, avec un noble objectif : produire et diffuser à nouveau des pianos modernes correspondant aux critères sonores traditionnels du facteur Pleyel et apportant au monde musical cette diversité d’identité qui fait la richesse de notre patrimoine culturel.

Pianiste sur scène
Pleyel P 280 sur la scène de l’auditorium Frédéric Chopin du domaine de George Sand à Nohant
(© Nohant Festival Chopin)

Ainsi, lors du concours, les participants auront à leur disposition des instruments de Pleyel récents pour répéter. Les épreuves du concours se dérouleront sur un grand piano de concert moderne Pleyel de 2,80 m. Ils auront aussi la possibilité s’ils le souhaitent, d’interpréter certaines œuvres sur un piano Pleyel de 1844, identique à ceux sur lesquels Chopin composait à Nohant. Un privilège rare que peu de concours peuvent offrir.